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AFFAIRE CARLOS GHOSN : TOUS RESPONSABLES ?
Monsieur Carlos Ghosn est-il stupide ? Un délit en bande organisée ?
Vénal mais non stupide
Pour dommageable qu’il soit pour l’image de Nissan, le motif avancé par le fisc nippon à savoir une mauvaise déclaration de ses revenus par Monsieur Ghosn, ce que ce dernier conteste, n’a pas la même « valeur » pour l’opinion publique que les « détournements financiers » au détriment de l’entreprise japonaise. Les montants, plusieurs millions d’euros, donnent le tournis. Allons droit au but Monsieur Carlos Ghosn est-il stupide ? Difficile de croire que ses agissements ne soient pas connus de la comptabilité de Nissan et de ses experts.
L’éventail des malversations prêtées à l’ancien numéro un de Nissan et de Renault est impressionnant. C’est tout juste si le papier toilette n’est pas cité. Curieusement ses anciens collaborateurs à qui il doit les désagréments qui s’en sont suivis se défendent de tout traquenard à son encontre. Si l’on en croit le directeur général de Nissan Monsieur Hiroto Saikawa, voir les Echos du 15 janvier, c’est de manière fortuite que les turpitudes de son ancien patron et prédécesseur, ont été mises à jour. « En 2017 suite à des inspections défectueuses sur certains modèles j’ai fortement renforcé et plus largement fait connaitre notre système interne de lanceur d’alerte ouvert à tous les employés de manière pour dévoiler des dysfonctionnements … cela a changé l’état d’esprit interne et suscité une plus grande attention aux questions de conformité ». Plus précisément il aurait eu « connaissance de ces allégations à la mi-octobre et n’aurait pas eu d’autre choix que de lancer une enquête interne et d’informer son conseil d’administration ».
Un mois plus tard Monsieur Ghosn était incarcéré. Rendons acte de l’indépendance du système judiciaire nippon. La simultanéité des accusations en provenance du fisc nippon et celles issues d’un contrôle interne chez Nissan ne serait que pure coïncidence. Le hasard fait, parfois, bien les choses …
Par la presse nous apprenons que
rès de 15 années des frais de bouche indus, des salaires fictifs, etc. aient fait l’objet
les premières indélicatesses peuvent être datées de 2003. Les faits reprochés à monsieur Ghosn ont été connus des services de Nissan après qu’une dénonciation interne et/ou un contrôle fiscal ne les aient révélés selon le directeur général de Nissan en septembre-octobre dernier. Il est difficile de croire que pendant pde remboursements ou d’un défraiement sans que la trace d’une opération comptable n’existe ou sans l’aval du contrôle de gestion de Nissan.
Monsieur Saikawa, qui n’est pas japonais pour rien nous en donne une raison intéressante, qu’il nous livre dans cet entretien aux Echos : « je comprends que l’on puisse se poser cette question. Mais il faut comprendre que monsieur Ghosn du fait de ce qu’il a accompli avait un grand crédit au sein du groupe. Il était respecté et avait acquis encore plus de pouvoir. Encore plus parce qu’il représentait d’une certaine façon Renault qui représente le principal actionnaire de Nissan. C’est un fait culturel qui n’excuse pas un défaut de surveillance, mais qui peut expliquer le fait qu’il n’y ait pas eu d’alerte plus tôt… ».
Cette explication est un peu courte et surprenante. Ainsi donc ce serait pour des us et coutumes ancestrales que Monsieur Ghosn avait bourse ouverte chez Nissan ? Curieuse explication qui masque un défaut de rigueur chez notre partenaire de l’Alliance. Faut-il rappeler que ce fut, ce manque de rigueur, l’une des raisons de la faillite de Nissan qui a conduit à son sauvetage par Renault en 1999 … ? L’Alliance n’aurait-elle servi à rien, sur ce point, que Nissan retombe dans ses travers ? Cet atterrissage est pour le moins curieux. Notons au passage une mise en cause peu élégante de Renault : « … il représentait d’une certaine façon Renault qui représente le principal actionnaire de Nissan … ».
A le lire la comédie humaine qui se déroule sous nos yeux change de registre. De péplum avec comme fin la mort de l’empereur Claude, empoisonné par son épouse (ici le procureur de Tokyo) pour que Néron, le fils de cette dernière accède au trône nous passons au polar style le Parrain, dont le premier rôle s’impose.
Toujours est-il que le directeur général de Nissan confirme le bien-fondé de la mise en examen de son entreprise par le procureur de Tokyo. Je ne crois pas le premier vendeur de voitures de la planète assez stupide pour piocher dans la caisse, comme un galopin piquant dans la tirelire familiale, sans y avoir été invité. Sa défense est simple : « tout le monde était au courant. Alors pourquoi ne m’a-t-on rien dit si j’ai mal agi ». Pour reprendre une expression célèbre si monsieur Ghosn a mis le doigt dans le pot de confiture Nissan a ouvert le couvercle et tenu la cuillère. Si donc notre ancien patron a pris la grosse tête au point de se payer sur la bête la responsabilité de son dauphin et au-delà de certains pontes de Renault et de Nissan, mais aussi des conseils d’administrations des deux groupes est engagée pour avoir couvert ces malversations. Ce qui ne supprime en rien les abus de biens sociaux, potentiels, au détriment de la société Nissan.
Délit en bande organisée
Plus sérieusement, dans une interview au journal japonais Nikkei, Carlos Ghosn a déclaré qu’un projet d’intégration de Renault, Nissan et Mitsubishi avait été discuté en septembre avec le directeur général de Nissan, Hiroto Saikawa : « Renault, Nissan et Mitsubishi auront « une autonomie dans le cadre d’une société holding ». A priori c’est cette annonce qui est à l’origine des ennuis de Monsieur Ghosn. Elle en est la cause et non la conséquence. En soi cette officialisation de la transformation de l’Alliance en une holding démontre la duplicité de ceux qui pendant 20 ans au premier chef MM. Ghosn et Saikawa ont réfuté toute idée de fusion alors qu’il la faisait. Si cette situation se confirme les équipes dirigeantes de Renault et de Nissan seraient coupables de forfaiture.
Ce sont les mêmes que l’on retrouve en épluchant les frais divers de Monsieur Ghosn, ou aux commandes de la filiale RNBV d’où les accusations de trahison proférées par ce dernier. Monsieur Ghosn se dit victime d’un complot, entendons le. Mais règlement de compte serait plus juste …
Il reste des zones d’ombre, des questions sont sans réponse
Le procès de Carlos Ghosn doit avoir lieu. Il concerne tout autant les malversations financières que la gouvernance de l’alliance. Il doit être l’occasion de faire l’inventaire des années de la présidence de C Ghosn. Bref de nous dire si tout ce petit monde n’est pas sous le coup d’une inculpation pour « délit en bande organisée »
Dans ces pages, depuis plusieurs années nous ne cessons de mettre en avant que la stratégie suivie par son PDG a créé un déséquilibre au détriment de Renault. La société éponyme et l’Etat actionnaire doivent se porter parties civiles, car si malversations il y a le constructeur français en est la victime, car quoique l’on en pense « … il représentait d’une certaine façon Renault qui représente le principal actionnaire de Nissan … ».
Balayons rapidement le sujet de la prime de départ.
Avant tout accord ou toute transaction avec l’intéressé le bilan des années Ghosn doit être établi. Le contraire serait inadmissible.
Sur la forme, le PDG s’est taillé un plan à l’égal de son égo et de ses prétentions financières. Validés par le conseil d’administration et l’assemblée des actionnaires, les différents versements sont « légaux » au même titre, probablement, que les différents financiers chez Nissan ( ?). Le contraire serait étonnant. Mais nos administrateurs n’ont-ils pas commis un abus de pouvoir et outrepassé leurs droits … ? Ainsi le droit de non concurrence accordé au PDG de Renault après son départ à la retraite est-il incompréhensible.
Sur le fond, quelques remarques :
– en cas de démission du salarié son versement n’est pas la règle.
– en cas de faute lourde, qu’un procès pourrait mettre en avant, et à laquelle nous croyons la réglementation ne prévoit pas de prime de départ.
Claude PATFOORT le 31 janvier 2019
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